Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement, le 09 avril 2025, des prévisions macroéconomiques et de finances publiques du rapport d’avancement annuel 2025 du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029.
Dans le cadre de la nouvelle gouvernance européenne adoptée en avril 2024, les États membres soumettent à la Commission européenne avant le 30 avril un rapport d’avancement annuel (RAA) de leur plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT), qui vise à placer la dette publique sur une trajectoire soutenable. Pour la France, le PSMT a été validé par le Conseil le 21 janvier 2025. Par rapport au plan initial, sur lequel le Haut Conseil s’était prononcé le 9 octobre 2024, la trajectoire de dépenses du PSMT qui fait référence a été rectifiée en janvier 2025 en cohérence avec les amendements au projet de loi de finances.
Le RAA se différencie des anciens programmes de stabilité, en se voulant, dans l’esprit du législateur européen, un rapport de suivi du PSMT. En conséquence, il peut ne porter que sur les années passées et en cours. De fait, dans le projet dont le Haut Conseil a été saisi, le Gouvernement a inclus des projections pour les années ultérieures (2026-29), mais leur degré de détail est limité. En revanche, alors que les programmes de stabilité entérinaient de facto les déviations constatées, manquant ainsi de crédibilité, les objectifs de dépenses primaires nettes, au cœur de l’engagement du PSMT, demeurent fixes tout au long de la période de programmation.
Le Haut Conseil salue le choix du Gouvernement de le saisir du RAA, de la même manière qu’il s’était félicité d’être saisi du PSMT initial en octobre dernier. Cette décision bienvenue s’est toutefois doublée de conditions de saisine dégradées, marquées par des changements de calendrier de dernière minute et des délais extrêmement réduits, fragilisant la bonne organisation des délibérations du Haut Conseil et l’exercice de son mandat.
Le Haut Conseil note que l’environnement macroéconomique international est marqué par une incertitude importante, en raison notamment des initiatives protectionnistes de l’administration américaine et des incertitudes géopolitiques grandissantes.
Le Haut Conseil, prenant en compte la situation à date, estime que la prévision de croissance du PIB pour 2025 (+0,7 %), que le Gouvernement a abaissé de 0,2 point par rapport à celle du PLF 2025 amendé en janvier, n’est pas hors d’atteinte malgré l’accumulation de risques à la baisse. Cette prévision est en ligne avec celle présentée par certains organismes mais dépasse celle avancée par d’autres ainsi que celle du consensus des économistes. Elle serait fragilisée par la matérialisation des risques pesant notamment sur l’environnement international.
La prévision d’inflation pour 2025, maintenue à +1,4 %, reste un peu élevée, compte tenu notamment de la baisse du prix du pétrole et de l’appréciation de l’euro observées récemment, qui vont au-delà des hypothèses retenues par le Gouvernement. La prévision de croissance de la masse salariale dans les branches marchandes non agricoles (+1,9 %), bien que revue en baisse, reste aussi un peu haute. Si la prévision d’emploi est plausible, celle du salaire moyen par tête suppose une accélération par rapport aux derniers trimestres qui n’est pas l’hypothèse la plus probable au regard de la désinflation et de la situation actuelle du marché du travail.
Le scénario économique présenté pour les années 2026 à 2029 se limite à une prévision de croissance et de PIB potentiel. L’hypothèse de croissance retenue pour 2026 (+1,2 %, abaissée de 0,2 point par rapport au PSMT) suppose que les incertitudes internationales s’atténuent et que l’ajustement budgétaire pèse peu sur l’activité. Compte tenu de l’ajustement envisagé, cette prévision requiert une accélération de la demande intérieure privée dont l’ampleur est loin d’être acquise. Le scénario de PIB potentiel, inchangé par rapport au PSMT, est raisonnable à condition que la politique économique permette bien un redressement des gains de productivité et la poursuite de la hausse du taux d’emploi.
La prévision de recettes en 2025 tient compte de l’apport important des hausses de prélèvements, certaines réputées temporaires, instaurées cette année pour un total de 23 Md€ (soit 0,8 point de PIB), un chiffrage légèrement revu en baisse. Hors ces mesures, le Haut Conseil observe que la prévision d’évolution spontanée des prélèvements obligatoires est globalement cohérente avec les prévisions économiques, et donc un peu élevée comme ces dernières. Le Haut Conseil relève en outre qu’a été abandonnée la marge de prudence incluse au PLF amendé de janvier dans la prévision de rendement de certains prélèvements, exposant donc directement cette prévision à la concrétisation des risques macroéconomiques ou à de nouvelles mauvaises surprises.
En matière de dépenses, le Gouvernement table pour 2025 sur une évolution ramenée à 1,3 % en volume, moins élevée qu’en 2024 mais ne permettant pas de réduire le poids des dépenses publiques dans le PIB. L’effort d’économie à proprement parler porte quasi-intégralement sur l’État, et serait du reste accru pour ce dernier par des mesures supplémentaires de gel. L’insuffisance des mécanismes permettant de piloter l’ensemble de la dépense publique fragilise la prévision d’exécution.
Au total, en l’état des informations conjoncturelles et compte tenu d’une exécution en 2024 légèrement moins dégradée qu’attendu en janvier (déficit de 5,8 points de PIB en 2024 au lieu de 6,0 points), le Haut Conseil estime que la prévision de déficit public pour 2025 (5,4 points de PIB) peut être tenue mais est loin d’être acquise. Elle requiert une stricte maîtrise des dépenses directement pilotables par l’État et des dépenses sociales, et la confirmation du ralentissement récent de la dépense des collectivités locales. Les marges de sécurité et les capacités de réaction en cas de nouveau choc défavorable apparaissent très limitées. La dette publique progresserait en outre encore de 3 points de PIB en 2025.
S’agissant de la conformité à la trajectoire du PSMT, le Haut Conseil relève que l’évolution de la dépense primaire nette, qui est exprimée en euros courants, serait en 2025 légèrement supérieure à celle requise (+0,9 % contre un plafond de +0,8 %). Le Gouvernement devrait respecter strictement la limite d’évolution annuelle en 2025. En s’octroyant un léger dépassement prévisionnel de celle-ci, il réduit sa marge de précaution vis-à-vis des nouvelles règles.
La trajectoire de finances publiques au-delà de 2025, qui n’est qu’esquissée dans les documents présentés, reste à préciser et crédibiliser. L’effort de redressement envisagé est une réduction de 0,9 point de PIB en 2026 du déficit structurel primaire, puis de l’ordre de 0,7 point de PIB par an ensuite. Un tel ajustement, qui ne permettrait de réduire la dette qu’à partir de 2028 après un nouveau point haut à 118 points de PIB en 2027, est pourtant impératif pour restaurer les finances publiques, maîtriser la dette publique et tenir les engagements européens de la France, notamment le retour du déficit sous 3 points de PIB en 2029, dont le Haut Conseil rappelle la nécessité impérieuse. Il souligne à nouveau que cette nécessaire réduction du déficit suppose une stratégie cohérente et crédible de réduction du poids de la dépense publique dans le PIB et d’évolution des prélèvements obligatoires.