Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 8 avril 2024, en application du I de l’article 62 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de finances, de l’article liminaire du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023, afin de se prononcer sur le respect, en 2023, des objectifs pluriannuels de solde structurel.
Le déficit des administrations publiques s’établit à 154,0 Md€ en 2023, soit 5,5 points de PIB. Il se creuse de 28,2 Md€ et de 0,7 point de PIB par rapport à 2022, et est très dégradé par rapport aux prévisions des lois de finances initiales pour 2023 et 2024 et de la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques 2023-2027, qui l’estimaient à 4,9 points de PIB. Cette dégradation accroît la divergence des finances publiques de la France par rapport à celles de nos principaux partenaires européens et reflète une situation préoccupante.
Dans son avis rendu le 17 mars 2020 sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2020, le Haut Conseil des finances publiques avait constaté, à la demande du Gouvernement, que la crise sanitaire et ses répercussions économiques et financières constituaient des faits inhabituels indépendants de la volonté du Gouvernement et relevaient donc des « circonstances exceptionnelles » mentionnées à l’article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).
Conformément à l’article 62 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, il en a tenu compte dans ses avis sur les projets de loi de règlement afférente aux exercices 2021 et 2022 et n’a donc pas déclenché le mécanisme de correction, alors même que les soldes structurels constatés pour ces deux exercices présentaient un écart supérieur à 0,5 point de PIB avec ceux prévus par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 alors en vigueur.
En application des mêmes dispositions, le Haut Conseil est aujourd’hui saisi du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 – suivant la nouvelle dénomination de la loi de règlement.
Il relève, dans le présent avis, que les conditions d’exercice de l’activité économique, qui avaient fortement pâti en 2020 et 2021 de la crise sanitaire puis de la crise énergétique en 2022, se sont nettement améliorées en 2023.
Par conséquent, en application des dispositions du II de l’article 5 de la loi n°2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, le Haut Conseil constate par le présent avis que les circonstances exceptionnelles identifiées en 2020 ne sont plus réunies et ne doivent pas être prises en compte dans l’examen du présent projet de loi.
La composante structurelle du déficit 2023 s’établirait à 4,6 points de PIB potentiel, tel qu’estimé par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) du 18 décembre 2023, à laquelle le Haut Conseil des finances publiques est tenu de se référer. Le solde structurel se serait dégradé de 0,5 point de PIB potentiel entre 2022 et 2023.
Cette détérioration s'explique par le net recul des prélèvements obligatoires en proportion du PIB. En effet, même si les dépenses publiques croissent en euros courants, elles baissent en volume du fait notamment de l’extinction d’une partie des mesures d’urgence et de relance adoptées dans le contexte de la Covid-19 et d’un repli de la charge d’intérêts sur les obligations indexées sur l’inflation du fait du recul de celle-ci. Cependant, cet ajustement structurel en dépenses est plus que compensé par la baisse des recettes en part de PIB, elle-même due beaucoup plus aux moins-values de prélèvements obligatoires constatées qu'à des mesures nouvelles décidées.
Aux termes du I de l’article 62 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de finances, le Haut Conseil rend un avis sur l’écart entre le solde structurel constaté et celui prévu au titre de la même année par la LPFP en vigueur. Cet écart atteint 0,5 point de PIB potentiel en 2023. Il résulte néanmoins pour partie d’un changement d’ordre méthodologique lié au passage des comptes nationaux en base 2020 entre 2022 et 2023. Corrigé du changement de base, l’écart entre le solde structurel observé en 2023 et celui prévu dans la LPFP est inférieur à 0,5 point de PIB potentiel. Il n’est donc pas « important » au sens du II de l’article 62 précité. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de déclencher le mécanisme de correction au titre de l’exercice 2023.
L’absence de déclenchement du mécanisme de correction ne doit cependant pas masquer le niveau très élevé et très dégradé du déficit structurel par rapport aux objectifs de la LPFP, pourtant promulguée récemment, et dont la trajectoire 2023-2027 était jugée optimiste et fragile par le Haut Conseil.
Le déficit structurel est désormais très éloigné de l’objectif de moyen terme (OMT) que s’est donné la France dans la loi de programmation 2023-2027, soit un déficit structurel inférieur à 0,4 point de PIB potentiel, dont le respect est repoussé à un horizon lointain.
Dans un contexte de hausse de la charge de la dette, le niveau élevé du déficit structurel retarde la réduction nécessaire du poids de la dette dans le PIB et pourrait obérer la capacité de la France à faire face à d’éventuels chocs économiques et à engager de nouvelles dépenses, notamment en faveur de la transition écologique. La nette réduction du déficit suppose prioritairement une action résolue sur la dépense publique et un réexamen des baisses prévues de prélèvements obligatoires.