Le Haut Conseil des finances publiques a adopté, le 26 juillet 2022, un avis relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2022 à 2027.
Le Haut Conseil a été saisi des prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité près de trois mois après la date normale, au-delà même du calendrier électoral. Malgré ce délai inhabituel, le projet qui lui a été soumis présente de nombreuses faiblesses.
Le Haut Conseil réitère l’appréciation qu’il avait portée dans son avis sur le premier projet de loi de finances rectificative, selon laquelle la prévision de croissance du Gouvernement pour 2022 (+2,5 %) n’est pas hors d’atteinte mais est un peu élevée. Il estime que c’est aussi le cas de celle pour 2023 présentée dans le programme de stabilité (+1,4 %). L’inflation prévue pour ces deux années (+5,0 % puis +3,2 %) paraît à l’inverse sous-estimée. Le scénario retenu d’un retour de l’inflation en dessous de 2 % dès 2024 paraît lui aussi volontariste.
La prévision de croissance de la masse salariale des branches marchandes non agricoles pour 2022 (+8,5 %) est quant à elle plausible, mais celle pour 2023 (+3,7 %) semble basse.
Le Haut Conseil estime que les hypothèses d’écart de production en 2022 (-1,4 point de PIB) et de croissance potentielle (1,35 % par an de 2023 à 2027) retenues par le Gouvernement sont optimistes. Ces hypothèses comprennent notamment une prévision d’augmentation de l’offre de travail liée à des annonces de réformes (réforme des retraites, réforme de l’assurance chômage, réforme du RSA, service public de la petite enfance) dont ni les modalités ni les effets ne sont précisés. Le Gouvernement suppose que ces derniers seront importants et quasi immédiats, ce qui est loin d’être certain.
L’examen du scénario macroéconomique conforte ce diagnostic. Le rebond de la croissance à partir de 2023 repose en effet sur des hypothèses très avantageuses de contribution positive du commerce extérieur et de maintien, malgré le durcissement en cours des conditions de financement, du taux d’investissement des ménages et des entreprises à des niveaux proches de celui, très élevé, atteint en 2021.
Malgré ces hypothèses de croissance très positives, la trajectoire de finances publiques retenue par le Gouvernement affiche une réduction du déficit peu ambitieuse au regard des engagements européens de la France et nettement moins rapide que celle prévue par nos partenaires européens, avec un déficit public revenant à peine sous les 3 points de PIB en 2027 (2,9 points de PIB). La dette publique serait quasi stable sur toute la période à un niveau élevé (112,5 points de PIB en 2027). La situation de finances publiques de la France continuerait ainsi de se dégrader par rapport aux autres pays comparables de la zone euro.
Dans un contexte géopolitique, économique et de politique économique très incertain, cette trajectoire ne laisse aucune marge de sécurité : avec une croissance moins élevée que dans le scénario optimiste du Gouvernement, le déficit serait encore supérieur à 3 points de PIB en 2027 et le ratio de dette ne cesserait de croître sur toute la période.
Cette trajectoire repose par ailleurs sur une hypothèse de hausse du taux de prélèvements obligatoires permise par la suppression de niches fiscales, dont l’expérience montre la difficulté de mise en œuvre, et sur des efforts de maîtrise de la dépense d’une ampleur supérieure à ceux qui ont pu être mis en œuvre par le passé, dont le calendrier et les modalités concrètes restent très imprécis.
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Au total, le Haut Conseil estime indispensable que la prochaine loi de programmation des finances publiques corrige ces estimations en fixant sur des bases prudentes, tenant par ailleurs compte de l’incertitude de la période, les hypothèses d’écart de production et de croissance potentielle et qu’elle crédibilise la trajectoire de finances publiques retenue par une description précise des réformes et des mesures en dépenses qu’elle suppose.