Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 4 juin 2020 de l’article liminaire du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020 pour rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques associées ainsi que sur la cohérence de ce projet de loi avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel définie par la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018 (LPFP).
Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 8 juin 2020, le présent avis.
L’incertitude élevée résultant de la crise sanitaire entraînée par l’épidémie de Covid 19 amène de fréquentes révisions des prévisions macroéconomiques et des réponses apportées par le Gouvernement en termes de politiques et de finances publiques. Le Haut Conseil est ainsi appelé, pour la troisième fois en moins de trois mois, à rendre un avis sur un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020.
Le Haut Conseil note que le scénario du Gouvernement ne suppose plus, contrairement à celui présenté dans le précédent PLFR, un retour rapide à la normale de l’activité, mais prévoit que l’activité restera au second semestre nettement en dessous de son niveau de la fin 2019.
En conséquence, il considère prudente la prévision du Gouvernement d’un recul de l’activité de 11 % en 2020. Une poursuite de l’évolution favorable du contexte sanitaire et une utilisation plus forte au second semestre que retenu dans les hypothèses du gouvernement de l’épargne contrainte accumulée par les ménages pourraient conduire à une récession moins marquée.
Le Haut Conseil estime que l’emploi pourrait être un peu plus élevé que prévu par le Gouvernement, mais l’inflation, à l’inverse, un peu plus basse.
Le Haut Conseil note que la prévision de déficit du Gouvernement s’établit à 11,4 points de PIB, un niveau jamais atteint depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La dégradation du déficit par rapport au précédent PLFR résulte de nouvelles dépenses, de la forte révision des hypothèses macroéconomiques et de prévisions plus réalistes pour certaines dépenses décidées auparavant.
Le Haut Conseil relève que des évolutions macroéconomiques plus favorables pourraient limiter le creusement du déficit public. En sens contraire, il souligne qu’une partie des mesures présentées comme des mesures de trésorerie pourrait finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année et que toutes les mesures de soutien de l’activité annoncées par le Gouvernement, notamment certains plans sectoriels de relance, n’ont pas été traduites dans ce PLFR.
Il relève que le déficit structurel pour 2020, tel qu’estimé par le Gouvernement, serait identique à celui de 2019 (2,2 points de PIB) et s’écarterait significativement de la loi de programmation. Le déficit structurel pourrait en outre se révéler plus élevé que prévu dans ce 3ème PLFR. En effet, certaines des dépenses liées à la crise sanitaire, considérées comme temporaires par le Gouvernement, pourraient être prolongées au-delà de 2020. Par ailleurs, l’évaluation du PIB potentiel risque d’être revue à la baisse en raison de possibles pertes de capital humain entraînées par la hausse du chômage et des conséquences de la hausse prévisible des faillites d’entreprises et de la baisse des investissements sur les capacités de production ainsi que de l’impact sur la productivité de la mise en œuvre durable des mesures de protection sanitaire.
Le Haut Conseil constate que la prévision du ratio de la dette publique au PIB est révisée de plus de 5 points par rapport au précédent PLFR et de 22 points par rapport à la loi de finances initiale. Ce ratio dépasserait ainsi 120 points de PIB à la fin de l’année 2020. Cette hausse massive, qui s’ajoute à une croissance quasi ininterrompue depuis 10 ans, fragilise la soutenabilité à moyen terme des finances publiques de la France et appelle une vigilance particulière.