Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi le 2 octobre 2025 des prévisions macroéconomiques et de finances publiques inscrites dans les projets de loi de finances et de financement de sécurité sociale pour 2026. Conformément au droit organique, il rend son avis relativement à ces prévisions et aux éléments qui les sous-tendent. Toutefois, comme le Haut Conseil le souligne également, le contexte dans lequel il rend son avis est très particulier, la situation politique actuelle rendant hypothétique le devenir de ces projets de loi.
Le Haut Conseil rend le présent avis dans un contexte très particulier et inédit. Après deux années 2023 et 2024 marquées par une dégradation des finances publiques qui ont placé la France dans une position singulière en Europe, la très forte incertitude politique actuelle et ses conséquences budgétaires et financières sont porteuses de risques importants sur la trajectoire de réduction du déficit public à laquelle notre pays s’est engagé, et dont le Haut Conseil a rappelé dans ses avis l’impérieuse nécessité.
Le Haut Conseil a été saisi par le Gouvernement le 2 octobre des prévisions macroéconomiques et de finances publiques des projets de loi de finances (PLF) et de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). La démission du Gouvernement quatre jours après et l’incertitude majeure due au contexte politique rendent hypothétique le devenir de ces projets de loi, et partant, la concrétisation des mesures qui en sous-tendent les prévisions. De surcroît, de nombreuses modifications aux mesures incluses dans la saisine du Haut Conseil ont d’ores et déjà été évoquées.
Néanmoins, le Haut Conseil rend, conformément à la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances modifiée, un avis relatif aux prévisions et aux éléments dont il a été saisi.
Les prévisions soumises au Haut Conseil le 2 octobre dernier tablent sur une croissance de 0,7 % en 2025 (prévision inchangée depuis avril 2025) puis 1,0 % en 2026 (revue en baisse de 0,2 point), et sur un déficit public de 5,4 points en 2025 (inchangé) puis 4,7 points de PIB en 2026 (revu en hausse de 0,1 point). Le Haut Conseil relève qu’un possible relâchement de la cible de déficit pour 2026 pouvant aller jusqu’à 5 points de PIB a depuis lors été évoqué par le Premier ministre démissionnaire, mettant en évidence le caractère hypothétique du scénario sur lequel le Haut Conseil est amené à se prononcer.
Pour l’année 2025, le Haut Conseil considère que le scénario économique actualisé est réaliste : les prévisions relatives à la croissance, à sa composition et à l’inflation le sont, celle de masse salariale étant marginalement haute. Les prévisions de recettes, de dépenses et donc de solde public sont crédibles : elles restent soumises à des aléas mais sont cohérentes avec les informations disponibles et le scénario économique.
Pour 2026, le Haut Conseil considère que le scénario économique qui lui a été soumis repose sur des hypothèses optimistes, associant une consolidation budgétaire importante à une accélération de l’activité permise par une reprise de la demande privée. La prévision de croissance n’est que juste au-dessus de celles des organismes auditionnés par le Haut Conseil et du consensus des économistes (0,9 %). Mais par rapport à ces prévisions, le projet dont le HCFP a été saisi retient une orientation plus restrictive des finances publiques, qui pèserait donc davantage à court terme sur l’activité. En compensation, malgré un environnement international peu porteur, cette prévision suppose une reprise de la demande intérieure privée dont l’ampleur paraît volontariste au regard du climat général d’incertitude, en particulier pour l’investissement des entreprises et dans une certaine mesure la demande des ménages. La prévision d’inflation (1,3 %) est plausible tandis que celle de masse salariale (2,3 %) est un peu haute.
Pour les finances publiques en 2026, la prévision de croissance spontanée des prélèvements obligatoires paraît globalement acceptable, le volontarisme du scénario économique étant tempéré par des hypothèses d’élasticité des prélèvements parfois un peu prudentes. Le Haut Conseil estime en revanche que l’évaluation du rendement des mesures nouvelles est fragile, même en supposant que les nombreuses mesures affichées soient adoptées et mises en œuvre. La hausse très modérée prévue pour les dépenses publiques (+0,2 % en volume) est une cible très ambitieuse au regard du passé, alors que certains postes comme les crédits pour la défense progresseraient fortement. Des économies substantielles sont présentées, dont une « année blanche » pour les salaires publics et les revalorisations de prestations, une hausse des franchises d’assurance maladie, une baisse des crédits hors défense et un resserrement des transferts aux collectivités. Tenir la cible d’évolution des dépenses exigerait que l’intégralité des mesures évoquées dans la saisine soient mises en œuvre, mais les annonces publiques et discussions récentes suggèrent que cela est peu probable.
Au total, la prévision de solde public pour 2026 soumise au Haut Conseil est fragilisée par un scénario économique volontariste et surtout, par le risque de sous-réalisation ou simplement d’absence des mesures de recettes et d’économies affichées.
En 2025, le déficit structurel serait réduit de 0,7 point de PIB. L’effort structurel, qui est l’estimation la plus usuelle de la contribution des mesures budgétaires à l’évolution du déficit, s’établirait à +0,8 point de PIB en 2025 (environ 24 Md€), intégralement en recettes. Après une très forte dégradation des comptes en 2023 et 2024, l’année 2025 marquerait ainsi une toute première étape de réduction du déficit.
En 2026 – sous l’hypothèse théorique d’une mise en œuvre complète des mesures annoncées dans la saisine – le déficit structurel serait réduit de 0,8 point de PIB, et l’effort structurel atteindrait +1,0 point de PIB (plus de 30 Md€, dont environ 17 Md€ en dépenses et près de 14 Md€ en recettes).
Le Haut Conseil avait déclenché en avril dernier le mécanisme de correction prévu par les dispositions organiques. Si elles étaient mises en œuvre, les mesures de correction présentées dans le cadre du PLF 2026 permettraient de revenir partiellement vers la trajectoire structurelle de la loi de programmation des finances publiques (LPFP), sans toutefois y parvenir dans le délai maximal de deux ans. Cet engagement serait encore moins tenu avec une moindre baisse du déficit en 2026.
Le Haut Conseil constate également que l’évolution prévue de la dépense primaire nette peut être jugée globalement compatible avec nos engagements européens (plan budgétaire et structurel à moyen terme, PSMT) et est conforme aux recommandations adressées à la France, mais regrette le dépassement de 0,2 point anticipé pour 2025 et souligne la difficulté à tenir la cible pour 2026. Il relève aussi le hiatus persistant entre la LPFP et le PSMT, qui soulève la question d’une révision du droit organique.
En tout état de cause, le Haut Conseil souligne qu’il est indispensable de poursuivre dans la durée l’effort de redressement des comptes. Même dans le scénario présenté, dont le Haut Conseil relève à nouveau le caractère hypothétique, le déficit resterait très élevé en 2026, le déficit primaire (hors charge d’intérêts) dépassant toujours 70 Md€. La dette publique continuerait de ce fait de progresser à un rythme préoccupant, passant de plus de 113 points de PIB en 2024 à près de 118 points en 2026, tandis que la charge d’intérêts s’alourdirait de plus de 13 Md€ en seulement deux ans pour atteindre 74 Md€. Respecter strictement la trajectoire du PSMT de façon à réduire fortement le déficit, tout en veillant à ménager le potentiel de croissance et les investissements prioritaires, est donc impératif pour garder le contrôle des finances publiques, restaurer des marges de manœuvre et préserver la crédibilité et la souveraineté de la France.